Et Abercrombie créa l'homme-objet

Abercrombie & Fitch a désormais pignon sur rue en France, et pas n’importe quelle rue, puisqu’elle s’est installée en fanfare au 23 avenue des Champs Elysées le 19 mai dernier. De surcroit, la célèbre marque américaine ne s’est pas contenté du prestige de la plus belle avenue du monde pour se mettre en avant et a mis en scène durant les 10 jours précèdent l’ouverture une véritable ode au corps masculin en déployant pas moins de 101 mannequins hommes torse nus sur les champs.

Ce genre d’happening n’est pas nouveau pour Abercrombie & Fitch qui a l’habitude de mettre en avant des mâles juvéniles lors de ses ouvertures de magasins ou de faire appel à des mannequins pour prendre la place de vendeurs et rappeler alors le mythe de l’American boy bien musclé. Le coté sulfureux et provoquant des campagnes est même une marque de fabrique du géant américain surfant à la fois sur le registre torride et sexuel en vue de susciter le désir féminin et sur son versant provoquant et subversif afin de créer de l’émulation et… du buzz !

Le sexy buzz d’Abercrombie&Fitch par l’exhibition d’abdominaux saillants et de torses imberbes a pour objectif d’attirer les femmes aux portes du magasin en réveillant alors leur appétit sexuel et par là même leur frénésie d’achat. Dans la veille de leurs stratégies de marketing tribal et sensoriel, il s’agit de créer une expérience de shopping sensuelle unique. En outre, en faisant appel à des modèles toujours plus lisses et plus jeunes, la marque mise sur la tendance actuelle « Toy Boy », ce jeune éphèbe entretenant une relation avec une femme plus âge surnommée « cougar ».

L’homme d’aujourd’hui se caractérise en effet par une diversité de style et d’apparence, une pluralité de son identité. L’une des nouvelles facettes de la masculinité se caractérise par cette affirmation des caractères féminins, juvéniles voire androgynes qui plaisent autant à certains hommes qu’aux femmes. Cette figure d’homme sensible, sensuel, dont le corps et la beauté font l’objet de préoccupations esthétiques autrefois dédiées aux femmes, n’est pas sans rappeler l’appellation anecdotique et journalistique de «métrosexuel». Cette tendance de « l’homme-objet » et les opérations de communications usant de ce genre de modèle nous révèlent en fait la mascarade des masculinités, qui revêtent désormais les masques de la féminité. Oui, les femmes ne sont plus aujourd’hui les seules à même d’incarner les idéaux de beauté et de susciter le désir de d’adopter ornements et parures. L’homme devient lui aussi « une femme-objet » comme de nombreuses avant lui.