Mardi, 20 Septembre 2011 15:20

Mad Men: des hommes, des vrais Favori

Écrit par  Emilie Coutant

Article publié sur le site Atlantico

don draper - mad men

Mad Men vient de recevoir, pour la quatrième année consécutive, l’Emmy Awards de la meilleure série dramatique. Plein succès donc pour cette série américaine « dont tout le monde parle et que personne ne regarde » selon Olivier Joyard journaliste aux Inrocks. Dès sa première diffusion, Mad Men est devenu un authentique phénomène de société et même une véritable machine à tendances, puissante source d’inspiration pour les hommes, dont la collection Mad Men Suit de Brooks Brothers n’en est qu’un exemple parmi d’autres. Comment expliquer un tel triomphe et une telle aura sur les mâles de notre siècle ? Racontant la vie d’un groupe de publicitaires dans les années 1960 cette série culte met en scène un personnage très charismatique, Don Draper, et pose à travers lui de nombreux questionnements sur la masculinité d’hier à aujourd’hui.L’occasion de s’interroger sur la construction actuelle de l’identité masculine dans notre société mass-médiatique.

Mad Men se déroule dans la société américaine des sixties, totalement formatée par les valeurs sociales de la réussite et de la famille, et profondément régie par des conventions sociales strictes qui exercent une pression sur les personnages. Évoluant dans le milieu à la fois glamour et hypocrite de la publicité, ces derniers semblent incarner une autre ambivalence : heureux et satisfaits de leur situation en apparence, ils se révèlent en perte de repères, en proie à des doutes existentiels, refoulant leurs secrets et leurs affects. La série semble traversée par ce thème de l’aliénation, et ce questionnement permanent sur la construction du Soi dans un moule sociétal aux contours rigides.

Au fil des épisodes contant les petites expériences du quotidien d’un bel homme d’affaires, la série fait écho aux bouleversements et remises en question que la masculinité connaît actuellement. Réservoir de stéréotypes et d’archétypes sur le masculin traditionnel (Don Draper incarne un Américain blanc aux costumes soignés, bien rasé, puissant, viril et séducteur et en même temps, goujat, machiste, sexiste, souvent raciste, grand fumeur et consommateur de boissons alcoolisées), Mad Men renvoient aux revendications de certains hommes qui regrettent la place et le rôle qui leur étaient assignés à la veille de la montée en puissance de l’émancipation féminine. A travers ces histoires banales et ce personnage central, quasi symbole de la masculinité occidentale, le public (notamment masculin) se reconnaît, se projette et s’identifie.

Prenant pour prétexte le thème de l’émancipation féminine (l’inspiration de départ de Matthew Weiner, créateur de la série, était le film Les Bonnes Femmes de Claude Chabrol), Mad Men délivre en fait une rétrospective de la condition masculine. Le mâle de notre siècle a connu depuis quelques décennies de profondes métamorphoses, délaissant son habit traditionnel d’homme viril et austère pour endosser de nouveaux rôles au prisme de ses apparats et de son rapport aux femmes. Avec la montée en puissance des valeurs féminines et la possibilité laissée aux hommes de s’interroger sur le sens de la vie et sur le façonnement de leur identité, de nouvelles manières d’exprimer sa masculinité ont vu le jour. Du « métrosexuel » au « néo-mec », en passant par le « bear », l’« übersexuel » ou l’androgyne, les catégorisations de l’identité masculine ont fait florès. Pourtant, loin de caractériser l’ensemble des représentations masculines, de circonscrire la pluralité de leurs identités ni de gommer ce qui fonde traditionnellement l’homme, ces effervescences n’ont fait que traduire la volonté de dépasser les schémas binaires et les assignations normatives à un rôle. En délaissant une identité une et unique, l’homme peut redécouvrir ce qui l’animait jadis : son rapport aux autres, au grand Autre, celui de la Nature, mais aussi à son Soi.

En faisant le deuil d’un idéal viril dépassé, l’homme se relie davantage à la vie et recomposent de nouveaux idéaux. Si tout n’est pas bon à prendre dans les nouvelles constructions de la masculinité, l’idéal viril traditionnel n’est pas non plus à regretter. Mad Men illustre parfaitement cette ambivalence en peignant ce tableau d’un personnage outrancier, aussi fort que vulnérable, animé tout autant par la réussite que par le doute constant. Les potentialités du mâle de notre siècle restent encore à décrypter.

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