Vendredi, 11 Mars 2016 11:14

La « slow-cosmétique » : quelles revendications ?

Écrit par  Emilie Coutant

Depuis la fin de l’année 2013, les « consomm'acteurs » qui veulent des produits d'hygiène et des cosmétiques de qualité peuvent trouver deux nouveaux logos, leur garantissant cette nouvelle exigence. Ils sont délivrés par l'association Slow Cosmétique à certaines marques et enseignes.

Slow Cosmetique - ©Tendance Sociale 2016

 

Qualité, écologie et…

Attention, rien à voir avec le bio. C’est une garantie à part, qui cumulée avec la mention « bio », indique un produit nature ET éthique. L’heure est à la beauté raisonnable.

La mention « slow cosmétique » est attribuée à une marque si elle respecte la Charte officielle, définissant les "valeurs fondatrices pour des cosmétiques plus intelligents, écologiques, éthiques et raisonnables".1

Ces quatre adjectifs constituent la grille de critères principaux retenus par la Charte. De la cosmétique « intelligente » qui doit éviter les ingrédients inutiles, « raisonnable » car elle ne doit pas créer de nouveaux besoins, « écologique » car elle respecte l’environnement (elle peut être bio, mais peut aussi proposer des emballages recyclables, etc.), et enfin « humain » car elle ne doit pas duper le consommateur.

 

Une alternative à la slow-cosmétique : le Do It Yourself, ou comment être maître de soi-même.

Slow Cosmetique - ©Tendance Sociale 2016

[Source : peau-neuve.fr]

Le fait maison est rassurant, car il est simple. Il se base sur des ingrédients aux vertus (re)connues, et ne s’embête pas à ajouter des ingrédients pétrochimiques qui sont aujourd’hui remis en cause.

Deux raisons évidentes à cette mode : être rassuré, et payer moins cher. Mais le sociologue Ronan Chastellier voit plus loin. Pour lui, « les gens ont envie de faire fructifier leur petit talent, de sortir de la standardisation et de la dépendance à l’égard des produits industriels. » La slow-cosmétique serait donc une remise en question, la concrétisation d’un nouveau mode de vie. C’est un peu le même principe que la cuisine « faite maison » : on prend le temps, on dose soi-même, on devient garant du produit final.

Et qui initie le mouvement ? On trouve sur la blogosphère (Youtube, blogs…) énormément d’individus convaincus de l’efficacité des produits bruts : huiles essentielles, graisses, essences… tout est exploitable, et l’on trouve toutes les propriétés qui nous intéressent. « Peau-neuve » par exemple, un blog proposant « une vie plus saine », a d’ailleurs fait le buzz avec son mélange d’huiles anti-acné. Ce qui attire, ce sont les explications des propriétés de chaque composant, avec leurs vertus reconnues.

 

Plus qu’un retour aux sources, le « retour de l’acteur ».

Finalement, on responsabilise nos usages du quotidien. Dans une société où l’on pense trop que les individus sont soumis à différentes lois (raison, pouvoir, condition sociale, morale…), la « slow cosmétique » nous permet d’illustrer le fait que chacun peut être auto productif, acteur d’un mouvement, inventeur.

Et qui dit acteur, dit culture. La culture en sociologie, c’est un ensemble de ressources et de modèles que les acteurs sociaux cherchent à gérer, à contrôler, qu’ils s’approprient et dont ils négocient entre eux la transformation en organisation sociale. L’acteur s’imbrique alors dans un collectif, et c’est ce qui donne la force du mouvement.

 

Au-delà des cosmétiques...

Les adeptes de la slow-cosmétique revendiquent, pour la plupart, leur appartenance à une culture plus large, qui est l’écologie.

Ce mouvement est principalement né du souci de plus en plus accru pour une vie plus saine, loin de la médecine conventionnelle et de la croisade hygiéniste. On remet par exemple en cause l’alimentation et on la désire désormais biologique, car sans pesticides.

Comme on essaie souvent de le démontrer en sociologie, un courant, une mode, un mouvement, ont toujours un lien avec la société, qu’ils soient nés d’un individu ou d’une institution. L’alimentation d’ailleurs est souvent étudiée sous l’angle de l’imaginaire.

L’anthropologue Karen Montagne a écrit un article s’intitulant « La pensée magique et sympathique chez le mangeur bio ». Elle distingue tout d’abord le mouvement bio en France, de n’importe quel autre pays. En effet, l’arrivée dans le bio en France n’a pas été principalement motivée par un aspect écologique ou humaniste mais par une « rupture de vie » (une maladie, tomber enceinte, etc.). A ce moment-là très souvent, on se questionne et on remet en cause nos pratiques. Il y a donc un rapport à l’historicité.

Finalement la question de la « maîtrise de soi » revient, comme pour le fait de s’adonner à la slow-cosmétique. Si on veut poussez le concept un peu plus loin, on peut parler d’incorporation (pour reprendre les théories de Jean-Pierre Poulain et Jean-Pierre Corbeau). On devient ce que l’on mange, ce que l’on fabrique, et donc on incorpore les valeurs qui vont avec.

 

1 http://www.slow-cosmetique.org/

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