T-shirts, leggings, boucles d'oreille, pendentifs...rien n'échappe à la tendance animale qui persistera tout l'été. L'animal est depuis longtemps une icône de la mode qui en révèle bien plus sur notre identité profonde, en recherche perpétuelle d'un retour et d'une communion parfaite avec la nature à laquelle nous appartenons.
Atlantico : Kenzo et Givenchy ont impulsé la saison dernière la tendance animale sur leurs t-shirts et sweat-shirts principalement, ayant depuis été largement suivies par de nombreuses marques. Quel attrait l’animal représente-t-il pour la mode ?
Emilie Coutant : Nous sommes actuellement, et d’une manière générale, pris dans un phénomène de changement de société, et comme à chaque fois, l’univers de la mode accompagne cette évolution. Ici, la grande tendance à laquelle nous faisons face est celle du retour à la nature. La tendance animalière réveille justement ce côté naturel, et donc animal, qui sommeille en nous. Ces imprimés animaliers, tout comme les graphismes représentant des animaux, sont récurrents dans l’univers de la mode depuis des années. Il s’agit donc là d’une tendance durable symbolisant le retour à la nature, qui peut aussi être interprétée comme un retour à de formes plus ludiques propres à l’univers de l’enfant.
Justement, cet accaparement de la figure animale n’est-il pas davantage caractéristique de la mode et de l’univers enfantin ? Ne pourrait-on pas y voir l’expression d’un certain malaise de notre monde d’adultes souhaitant renouer avec l’enfance ?
Plus qu’au monde enfantin finalement, l’animal est davantage lié à l’univers de la mode. Depuis de nombreuses années maintenant, les marques de luxe ont recours à des imprimés et matériaux de qualité renvoyant à cette animalité, tandis que certaines vont jusqu’à ériger l’animal en tant qu’emblème, à l’instar de Ralph Lauren. L’animal a véritablement une place de choix dans l’univers de la mode, comme l’a souligné le retour de la fourrure ou bien la profusion de plumes et de poils dans les dernières créations vestimentaires, tous ces éléments qui évoquent un certain univers "baroque-onirique". Concernant le rapport entre animal et enfance, celui-ci est bien entendu évident. A cet égard, il convient de rappeler la signification étymologique du mot "animal", qui provient du terme latin "anima" signifiant "la vie". Derrière ce mot, on trouve très vite l’idée d’une renaissance, d’un rétablissement du lien avec ce qui fait l’humanité dans son entièreté. L’animal a cette fonction de susciter en nous cette volonté de retour à la vie, après des décennies de société aux valeurs quelque peu mortifères. En tant qu’adultes, l’animalité est utilisée par l’univers de la mode comme l’archétype de l’exaltation des sens visant à nous aider à renouer avec cette énergie primordiale issue du ventre de la terre. Il n’y a pas de civilisation qui n’ait pu établir de relation étroite entre l’homme et l’animal. Ce dernier est en quelque sorte le miroir de notre être profond. Tout cela nous rappelle également que l’être humain est constitué de plusieurs parts, tantôt humaine, tantôt animale, féminine ou masculine, teintées d’une légère part d’ombre comme l’a évoqué Michel Maffesoli dans son ouvrage La part du diable, qui met en évidence l’existence d’un double souterrain qui sommeille en chacun de nous.
L’érection de l’animal comme nouvelle figure de mode n’est-il pas le prolongement, voir la consécration, du culte que notre société peut vouer aux animaux d’une manière générale ?
Emilie Coutant : Nous commençons seulement aujourd’hui à nous rendre compte que nous sommes nous aussi des animaux. Par ailleurs, dans le nouveau paradigme sociétal qui est en train de créer, l’homme renoue et respecte davantage la nature, et donc l’espèce animale. Dans ce cadre-là, l’animal incarne véritablement cette figure qui évoque à la fois la nature à respecter, mais aussi l’imaginaire de l’enfance. En somme, un idiome majeur auquel nous devons désormais faire plus attention.